AGRICULTURE : LA CHIMÈRE D’UN CAPITAL QUI VOUS PROFITERA

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pépère
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AGRICULTURE : LA CHIMÈRE D'UN CAPITAL QUI VOUS PROFITERA

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Paul, merci à vous et bonne année !

Je suis producteur de lait en Alsace, jeune installé en pleine crise. Vous décrivez la toile de fond du paradigme économique comme peu de gens. A vrai dire, lorsque j'ai découvert vos propos sur la concentration des richesses, et le remplacement du salaire par le crédit… j'ai de suite adhéré puisque c'est ce que j'ai vécu en 2009 avec ma famille.

Ingénieur de formation dans le secteur agricole et agroalimentaire (spécialité développement des territoires ruraux), mon expérience professionnelle en tant que conseiller d'entreprise puis exploitant agricole m'a permis d'asseoir confortablement dans mon esprit la thèse de la concentration des richesse et du déterminisme des trajectoires sociales de mon milieu. Après tant d'années passées sous la protection parentale et celle de mes anciens patrons qui me payaient en tant que jeune cadre dynamique pour " rendre service " aux professionnels du secteur : les agriculteurs ne pouvaient se payer mes services et je ne pouvais accepter de me faire payer par ceux qui ne les payaient pas, j'ai découvert lors de mon installation la façon brutale dont on a traité mes parents qui ont bien failli perdre tout leur courage en 2009, après 40 ans de bons et loyaux service à l'État, l'Europe, les Industriels, les Syndicats, les Élus, les Consommateurs, 7/7, 12/24, 365/365.

PAUVRE COMME JOB EN TRÉSORERIE, RICHE EN CAPITAL COMME UN PETIT SEIGNEUR MAIS QUI NE DEGAGE AUCUN PROFIT. Une collectivisation masquée du capitalisme : ni perte, ni profit mais tout nous est garantie pour la banque, rien de bien concret pour les paysans. Si et pis : un patrimoine trop difficile à partager, qu'on essaye de dévaluer pour pouvoir le transmettre !

D'ailleurs, si le monde agricole avait déprimé, le crash n'aurait pas été que financier, il serait (ou sera ?) peut-être aussi alimentaire chez nous, les prétendus riches ! (cf. les publications du think tank MOMAGRI à ce sujet).

Les spéculateurs nous font vivre une vraie inquiétude, une profonde désorientation, une insécurité profonde dans un contexte de contingentement, de règlementation environnementale, de volatilité et d'insécurité climatique croissante et finalement, la dernière arme de la vie étant le cannibalisme : la concurrence croissante entre paysans !

Ce monde qui change continue pour autant de nous faire fuir en avant et il ne nous reste comme seule solution que de trimer, produire pour ne pas gagner plus, juste s'en sortir. Cette année, j'ai augmenté depuis la crise la productivité de 20% avec des prix en hausse, mais des charges aussi en hausse. Résultat : NI PERTE, NI PROFIT, MAIS TOUJOURS PLUS DE LABEUR, DE PRODUCTIVITÉ (sans réelle profitabilité ni compétitivité).

Mes réflexions personnelles sur la situation économique de notre secteur correspondent clairement à ce que vous décrivez sur les relations que les " dominants " et " dominés " entretiennent dans leur rapport au " capital désordonné " :

- du capitalisme (nous rendons profitable le capital des autres sauf le nôtre),

- de l'économie de marché (le commerce nous vole et nous répercute le risque du marché des produits transformés, sans en prendre sa part !)

- et du libéralisme (la circulation libre des produits dumpisés pour nous concurrencer inégalement)

Ce pourrait aussi être le pire du communisme, avec des plans, des contrôles ultra-pointilleux et inapproprié à notre échelle de production, des connivences entre le pouvoir et un syndicat majoritaire de moins en moins majoritaire, des contingentement, des subventions, du stakhanovisme entretenu par les revues de politique agricole, les aristocraties du milieu en proie au conflit d'intérêt avec l'aval de nos exploitations (les " cumulards " et les profiteurs du " parti ").

Bref, de quoi écrire un beau livre en fin de carrière et peut être, comme vous, du succès.

J'espère que votre compétence en anthropologie vous permettra un jour d'échanger et de découvrir les incroyables défis et difficultés que rencontre ce microcosme particulièrement bien ancré dans les jeux de pouvoir du grand capital et représentatif des plus grandes injustices et de la plus grande manipulation que ce grand capital a pu exercer de manière espiègle sur nous, les 99%. Ce que nous vivons en tant que travailleurs de la terre risque d'arriver à l'ensemble de la population.

J'espère que nos dirigeants ne cautionneront pas la suite de cette tendance car, espérer, c'est bien la seule chose qu'il nous reste parfois, tant nous nous sentons si petits, si seuls et si isolés.
http://www.pauljorion.com/blog/?p=32377
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